Il est des invitations qu’on ne peut pas refuser et celle-ci en fait partie. Le pitch (à ne pas confondre avec les petites brioches industrielles) c’était d’aller dans un restaurant 1 macaron Michelin pour aller se faire une verticale d’une cuvée en accord mets et vins. La cuvée c’est ICO(O)N, produite par la Cave de Rasteau. Le restaurant étoilé c’est Le Clair De La Plume à Grignan dans la Drôme.
Une verticale : pour ceux qui ne connaissent pas ce terme, une verticale d’un vin est un concept qui consiste à déguster une même cuvée sur différents millésimes (années). C’est très intéressant car ça permet de voir les évolutions sur les années, les bonnes, les moins bonnes, de voir l’évolution de la vinification également et aussi de constater l’évolution des vins avec l’âge. Il y a deux écoles pour les verticales, soit on démarre du millésime le plus récent et on descend jusqu’au millésime le plus ancien, soit on fait l’inverse. Je suis plutôt adepte de terminer par le plus vieux millésime. Ici, avant le repas, on a effectué la verticale dans le sens inverse de mon habitude.
La Cave de Rasteau
Cette cave coopérative porte également le nom de Ortas, elle a été fondée en 1925 par 60 agriculteurs qui voulaient se rassembler et fabriquer eux mêmes leurs vins. La cave a fait sa réputation initiale sur leur VDN (Vin Doux Naturel), le Rasteau, qui est une AOC depuis 1944. En 1966 c’est l’apparition d’une AOC “Rasteau Côtes-du-Rhône” villages mais il a fallut attendre 2010 pour enfin avoir le décret d’une AOC “Rasteau” seule pour les vins rouges secs.
Il faut savoir que la cave Ortas produit environ 50% de la production totale des Rasteau rouges secs sur l’appellation. De plus, aujourd’hui, cette AOC représente 50% de la production de la cave.
Parmi les autres appellations, il y a quelques mois j’avais déjà pu goûter un Cairanne, la cuvée Les Audacieux 2015, qui nous avait apporté beaucoup de plaisir grâce à ses arômes de garrigue et de réglisse.
L’union fait la force, c’est ce qui a fait la réussite des caves comme celle de Rasteau. Dans cette même idée, en 2015, il y a eu la création d’une nouvelle union du nom du Cercle des Vignerons du Rhône. Cette nouvelle structure, qui laisse une grande autonomie aux membres, est aujourd’hui composée de 3 caves, celle de Rasteau bien sûr mais aussi la Cave de Visan et la Cave de Sablet. Lors du repas on a d’ailleurs pu goûter un blanc, la cuvée Grande Réserve 2018, de la cave de Visan ainsi qu’un rouge, la cuvée Marot 2016. Ca nous a permis de constater que la qualité était là aussi au rendez-vous.
La Verticale
Comme je te le disais nous avons réalisé une première dégustation verticale avant le repas, du millésime le plus ancien au millésime le plus récent.
Pour animer cette verticale, nous avions un super spécialiste, un chroniqueur et consultant en accords vins et mets, Jean Dusaussoy. J’ai adoré sa démarche qui n’est pas habituelle, la plupart du temps on va chercher à trouver le bon vin qui irait avec un plat, lui, il procède à l’inverse, il va chercher le plat qui ira bien avec le vin qu’il a sélectionné. Jean a su animer toute la verticale et tout le repas avec professionnalisme tout en conservant la convivialité nécessaire pour passer un excellent moment.
ICO(O)N 2010 : Le nez est modeste, timide. En bouche il est fumé, avec un bois qui a bien fusionné avec les tanins. On retrouve une belle matière et des épices fines comme le poivre de Madagascar que j’adore.
Ce millésime a encore quelques belles années devant lui.
J’ai noté ++ sur ce millésime.
ICO(O)N 2011 : Le nez est plus expressif, il est élégant sur des notes de garrigue. En bouche le bois est plus marqué, les tanins aussi, sur des notes épicées plus franches, on serait plus sur du poivre blanc.
Ce 2011 a un potentiel de vieillissement énorme.
J’ai noté + pour ce millésime, mais ça peut devenir un +++ dans 4 ou 5 ans.
ICO(O)N 2012 : C’est le premier millésime où le fruit prédomine sur le nez, on est sur un fruit compoté. En bouche le cassis ressort sans aucun doute, ça lui confère une touche d’acidité rafraîchissante. La finale dégage même du menthol et du thé noir.
J’ai noté +++ sur ce millésime.
ICO(O)N 2013 : On va trouver du Mourvedre dans ce millésime, ça lui confère un nez légèrement tourbé. En bouche ça se retrouve avec des notes marquées de café et de chocolat. Il est très équilibré, gourmand, et avec une finale qui pousse à la consommation.
J’ai noté ++++ sur ce millésime.
ICO(O)N 2015 : A partir de ce millésime la cave démarre une sélection parcellaire pour confectionner cette cuvée. Le nez est clairement sur le bonbon arlequin. En bouche on retrouve ce plaisir qu’on peut avoir lorsqu’on suce ces petits bonbons. Le vin est hyper gourmand mais manque encore un peu de virilité.
J’ai noté + sur ce millésime, à tester à nouveau dans une paire d’années.
ICO(O)N 2016 : Le nez est différent du 2015, il est sauvage, torréfié. En bouche j’ai apprécié sa rondeur qui est venue enrober mon palais. Il est au juste équilibre entre la fougue et la sagesse, le tout est construit autour de petits fruits rouges comme la framboise.
J’ai noté +++ sur ce millésime.
Le Clair De La Plume
Pour ce repas exceptionnel nous avons investi le restaurant auréolé d’un macaron Michelin, Le Clair De La Plume, qui est situé dans le non moins superbe village de Grignan. Le lieu est d’un charme fou, on rentre par un petit jardin verdoyant qui laisse entrevoir l’hôtel et le restaurant. Ce bâtiment à la façade rose saumonée est certainement une ancienne maison de maître, au fond du jardin on peut voir une grande verrière qui accueille la salle du restaurant.
A la tête des cuisines du restaurant on trouve Julien Allano qui a travaillé son art dans de nombreuses belles maisons avant de venir s’installer à Grignan. Il y propose une cuisine d’instinct qui sait allier la précision, le contemporain et les produits du terroir. Aujourd’hui sa carte est faite en fonction des saisons et des envies, elle est construite sur un concept de menu confiance. Cette confiance c’est de ne pas avoir de choix sur le repas, on se laisse guider par le chef. Bien sûr, il est à l’écoute des allergies ou des produits qu’on n’apprécie pas du tout. Le menu déjeuner est à 45€ et pour le dîner il y a le choix entre plusieurs formules en fonction du nombre de plats, de 75€ et 115€.
En complément du restaurant gastronomique il y a également un bistro, un jardin restaurant (pour l’été) et un salon de thé. Côté hébergement, plusieurs chambres, suites et maisons privées sont proposées.
Le repas en accord mets et vins
ICO(O)N 2013 et Truffe de Grignan en chausson feuilleté
As-tu déjà croqué dans une truffe ? Je ne parle pas de truffe en tranche ou en petits morceaux, je parle d’un gros morceau de truffe. Personnellement j’en consomme beaucoup mais je n’avais jamais pu ou osé la présenter entière dans une assiette. C’était le cas ici, la truffe était entière confinée au cœur d’un superbe feuilletage. Le chef voulait absolument qu’on prenne du plaisir croquer dans la truffe, à ressentir sa mâche. Enorme ! J’ai adoré l’expérience ! Pour l’accompagner le chef Allano avait confectionné une sauce périgourdine à tomber.
Ce plat a été créé pour accompagner la cuvée 2013 de la cuvée ICO(O)N. On était ici sur un accord par ressemblance sur un axe autour de la terre, la truffe, le café, le chocolat. J’ai aussi apprécié le côté beurré et gras du feuilletage qui est venu révéler encore plus le vin.
ICO(O)N 2010 et les betteraves de Monsieur Darnat, escargot fumé
Pour la suite on nous a servi une assiette au style que j’adore par la finesse et la précision de ce mille-feuille de betteraves. Il était accompagné d’escargots du coin au lait fumé. J’ai adoré la betterave, comment a t’il fait pour rendre ce produit aussi élégant, à faire disparaître le côté trop terreux au profit d’arômes de noisettes ?
Ce plat a été imaginé pour accompagner le millésime 2010 de la cuvée ICO(O)N. Il y a eu débat entre les participants concernant cet accord. Pour ma part j’ai trouvé que le plat et le vin discutaient bien ensemble, un beau dialogue dans lequel chacun avait sa place. Mais au final c’est le vin qui a eu le dernier mot, le plat était peut être plus sur la douceur que ce qui était prévu, le vin a logiquement prit un peu le dessus.
ICO(O)N 2011 et le pigeon de Monsieur Durand en deux cuissons, tarte qui n’est pas au chocolat
On continue ce beau déjeuner avec une assiette autour du pigeon : le filet rosé, la cuisse confite et une tarte au foie. Il était accompagné d’un superbe jus réduit et d’une purée de topinambour (je crois). Ce plat était d’une gourmandise à se damner, j’ai saucé l’assiette jusqu’à la dernière goutte. La morale de ce plat est qu’on devrait manger du pigeon plus souvent.
Ce plat a été choisi pour accompagner le millésime 2011 qui n’était pas celui que j’ai préféré lors de la verticale. Jean et le chef ont trouvé exactement le plat qu’il lui fallait. Il avait besoin de puissance et de goûts francs pour l’accompagner main dans la main. Finalement ça a rendu le vin plus sage et lui a fait ressortir de la finesse dont il manquait à la dégustation seule.
ICO(O)N 2012 et le Saint Marcellin en création glacé
Pour ce repas on a même eu droit à un fromage, un fromage sous une forme différente, celle d’une glace de Saint Marcellin posée sur quelques croûtons au beurre et recouvert au moment du service d’une huile d’olive. Franchement, je pense que je vais essayer de refaire une telle glace à la maison. C’est super bon, ça permet de mélanger la puissance du Saint Marcellin avec la fraîcheur d’une crème glacée.
Cette glace a été conçue pour accompagner le millésime 2012 de ICO(O)N. Régulièrement j’adore manger le fromage avec des fruits, c’est un peu ce que j’ai retrouvé dans cet accord où le vin est venu ce fruit que j’aime tant avec le fromage. Cette association permet au vin de sublimer le fromage et inversement avec un fil conducteur, l’olive, qui vient faire le lien.
ICO(O)N 2012 et le Citron rencontre avec l’olive
On retrouve l’olive dans le dessert, à la fois dans les goûts mais aussi dans la forme avec cette olive en trompe l’œil. C’est superbe. A l’intérieur, mélange autant inattendu que bluffant, on va trouver également une mousse de citron. Quelle réussite, c’est juste fantastique, j’adore me régaler avec des goûts que je ne connais pas comme cet olive / citron.
On a continué avec le même vin que pour le fromage, la version 2012 de la cuvée. Vu qu’il aime bien l’olive ça fonctionne également avec ce dessert. Ca marche même encore mieux je trouve, le citron est un plus car son acidité se marie bien avec la fraîcheur que j’avais ressenti dans ce millésime.
Merci
Merci à tous pour ce déjeuner, j’ai adoré du début jusqu’à la fin, j’étais dans mon élément, du très bon vin, de la nourriture d’exception et des personnes professionnelles et agréables.
Alors, qu’est ce que je peux te conseiller ?
- Aller manger chez le chef Julien Allano
- Goûter la cuvée ICO(O)N
- Goûter les autres vins de la cave de Rasteau, de Visan ou de Sablet
Bref… te faire plaisir surtout !
En savoir plus :
https://www.clairplume.com/fr/
Toutes les photos :
Info : J’ai été invité à cet événement unique. Cet article en reste sincère, les vins et le restaurant correspondent parfaitement à ce que je souhaite partager sur ce blog.